J'veux que tu m'laisses porter ma valise. Même s'tu vois qu'elle m'épuise. Détourne tes yeux d'ma chemise. J'la mets pas pour qu'tu salives. J'veux me promener. Errer dans les rues. M'arrêter, contempler. Mets pas l'beauf avant la charrue. Pour qui tu te prends ? On est pas tous comme ça. De gros porcs en rut, gros porcs en rue, gros porcs en vue. Moi, j’suis différent, bienpensant, très charmant, tu m’attires juste comme un aimant. Ta présence m’oppresse. Ramène tes potes, assieds-toi, sois bien à l’aise. Dans mes yeux, tu verras toute ma détresse. J’en peux plus d’être une fille, une sœur, une nymphe. Dans tes yeux, je verrai toute ton ivresse. Si j’réponds, j’serai ta déesse. Si j’t’ignore, j’serai une pute. Tu baisses les yeux quand j’te parle, mais j’t’intimide pas. J’sais bien ce que tu mates, mates, mates. Tes sifflements, ton haleine, ta voix d’grotte, j’oublie rien. J’accélère sur le chemin. J’me retourne pas, c’est fini, t’as joué, t’as perdu. J’suis pas ta déesse, non, mais j’suis bien une pute, oui. Toujours l’même refrain, je l’entends pas, je l’entends plus. J’veux m’sentir belle. Sans qu’tu penses avoir des droits. M’assumer, et que j’m’ensorcèle. Bas les pattes, j’t’appartiens pas. T’es bonne, j’aime ta tête, j’aime tes formes. Si t’ouvres la bouche, j’veux pas que tu parles. Même si t’as une belle voix, c’est pas que j’veux pas, c’est que j’t’écoute pas. Reste à ta place, sois fille, sœur, nymphe, et tais-toi. Toute façon, t’exagères. Nous, tout ce qu’on veut, c’est que tu gères. Être parfaite, pas factice. Naturelle, sans artifices. Si tu souris, faut pas que ça craque. Si tu ris, faut pas que ça crie. Sois gentille, affirmée, mais laisse-moi te toucher. Lisse. Docile. Calme. Sauvage. Douce. Fragile. Mais élégante. Épaules solides. Chute libre. Si tu tombes, j’veux te rattraper. T’as pas ton mot à dire parce que j’sais que face-à-face j’peux te charmer, tu vas vriller. Même si t’as une belle voix, c’est pas que j’veux pas, c’est que j’t’écoute pas. Absence d’avis, sentence à vie. T’es peut-être une sœur, une nymphe, mais pour le monde tu restes une fille. J’veux me promener. Errer dans les bars. Danser, rire, cuver. Sans qu’tu me dévores du regard. Si t’es un inconnu, c’est bien connu, t’es qu’un troufion de plus sur la liste des glandus. Des teubs, j’te rassure, j’en ai déjà vues. Internet est là pour ça, pas besoin d’descendre en rue. Si t’es l’boss, c’est plus tendu, t’es pas qu’un inconnu, mais peut-être marié et père à tes heures perdues. Un appel dans l’bureau, couteau sous la gorge. Perdre le boulot ou défaire le soutien-gorge. Des gars comme toi, j’en vois plein. Au lavoir, sur l’trottoir, dans le noir. Toujours l’même refrain, la même histoire. J’veux m’sentir forte. Sans qu’tu me dises où s’trouve ma place. M’élever, et sans escorte. Dégage de là, j’sais garder la face. T’es bonne, j’aime ta gueule, j’aime ton corps. Même si t’as une belle voix, c’est pas que j’veux pas, c’est que j’t’écoute pas. Reste à ta place, sois fille, sœur, nymphe, et tais-toi. Toute façon, t’exagères. Nous, tout ce qu’on veut, c’est que tu gères. Être parfaite, pas factice. Naturelle, sans artifices. Si tu souris, faut pas que ça craque. Si tu ris, faut pas que ça crie. Sois gentille, affirmée, laisse personne te toucher. Lisse. Docile. Calme. Sauvage. Douce. Fragile. Mais élégante. Épaules solides. Chute libre. Si tu tombes, j’te laisse te relever. Regarde-moi, j’sais que j’peux te charmer, tu vas craquer. Tu n’vas rien dire, poupée. Même si t’as une belle voix, c’est pas que j’veux pas, c’est que j’t’écoute pas. Condition anesthésiée, Opinion euthanasiée. T’es peut-être une sœur, une nymphe, mais pour le monde tu restes une fille. © Alicia Alvarez
Photo d'origine : Laura Bourguignon
10 Commentaires
Vampilou
4/22/2021 06:40:59 am
Un texte très puissant et malheureusement très d'actualité...
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4/23/2021 06:29:16 am
Oui, c'était le but. Je me suis basée sur mon propre ressenti et il traîne derrière lui les stigmates de notre société actuelle, malheureusement !
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5/3/2021 02:42:07 am
Merci beaucoup ! Eh oui, ça va parfois mal pour la femme dans notre société actuelle... En fait, depuis toujours, quand on y pense. :')
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4/23/2021 09:09:01 am
Wouah, quel impact, et que de vérités !
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5/3/2021 02:43:52 am
Merciiiiii !!! Et oui, je voulais cet effet de force/faiblesse car nous, les femmes, on se veut fortes, mais la société tente de nous rendre faibles, de nous faire taire, et on ancre dans la tête des hommes des biais cognitifs assez problématiques, lesquels sont banalisés par la suite... Un cercle vicieux ! Après, il n'y a pas autant de vécu que dans "L'enfant seule" mais mon ressenti, une force dans la cause que je défends, ça oui. ♥
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